CE, Sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, 88032 ▼
Conseil d'État
statuant
au contentieux
N° 88032 88148
Publié au recueil Lebon
SECTION
M. Odent, président
M. Gerville-Reach, rapporteur
M. Boutet, commissaire du gouvernement
lecture du vendredi 10 mai 1974
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Requête du sieur Denoyez (Hubert) tendant à l'annulation du jugement du 7 juin 1972 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 3 juin 1971 du préfet de la Charente-Maritime refusant d'une part de le faire bénéficier du tarif appliqué aux habitants de l'Ile de Ré par la régie départementale des passages d'eau, d'autre part de lui restituer un trop-perçu du prix depuis 1964 et enfin d'abroger le tarif des cartes d'abonnement en vigueur depuis janvier 1972 sur la liaison la Pallice-Sablanceaux, ensemble à l'annulation de ladite décision et du tarif "abonnement" de 1972 ;
Requête du sieur Chorques (Edouard) tendant à l'annulation du jugement du 7 juin 1972 par lequel ledit tribunal a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 27 octobre 1971 du même préfet refusant de lui accorder le bénéfice du tarif appliqué aux habitants de L'Ile de Ré par la régie départementale des passages d'eau, ensemble à l'annulation de ladite décision ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
Considérant que les requêtes susvisées du sieur Denoyez et du sieur Chorques présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur les conclusions des requêtes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Charente-Maritime :
Considérant que les sieurs Denoyez et Chorques, tous deux propriétaires dans l'île de Ré de résidences de vacances, ont demandé au préfet de la Charente-Maritime de prendre toutes dispositions pour que la régie départementale des passages d'eau, qui exploite le service de bacs reliant La Pallice à Sablanceaux (île de Ré), leur applique dorénavant non plus le tarif général mais soit le tarif réduit réservé aux habitants de l'île de Ré, soit, à défaut, le tarif consenti aux habitants de la Charente-Maritime ; que, par deux décisions, respectivement en date des 3 juin et 27 octobre 1971, le préfet a refusé de donner satisfaction à ces demandes ; que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté les requêtes introduites contre ces décisions par les sieurs Denoyez et Chorques ;
Considérant que le mérite des conclusions des requêtes est subordonné à la légalité des trois tarifs distincts institués, sur la liaison entre La Pallice et l'île de Ré, par le Conseil général de la Charente-Maritime et mis en vigueur par un arrêté préfectoral du 22 mai 1970 ;
Considérant que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service ou d'un ouvrage public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure ;
Considérant, d'une part, qu'il existe, entre les personnes résidant de manière permanente à l'île de Ré et les habitants du continent dans son ensemble, une différence de situation de nature à justifier les tarifs de passage réduits applicables aux habitant de l'île ; qu'en revanche, les personnes qui possèdent dans l'île de Ré une simple résidence d'agrément ne sauraient être regardées comme remplissant les conditions justifiant que leur soit appliqué un régime préférentiel ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à revendiquer le bénéfice de ce régime ;
Considérant d'autre part, qu'il n'existe aucune nécessité d'intérêt général, ni aucune différence de situation justifiant qu'un traitement particulier soit accordé aux habitants de la Charente-Maritime autres que ceux de l'île de Ré ; que les charges financières supportées par le département pour l'aménagement de l'île et l'équipement du service des bacs ne sauraient, en tout état de cause, donner une base légale à l'application aux habitants de la Charente-Maritime d'un tarif de passage différent de celui applicable aux usagers qui résident hors de ce département ; que, par suite, le Conseil Général ne pouvait pas légalement édicter un tarif particulier pour les habitants de la Charente-Maritime utilisant le service de bacs pour se rendre à l'île de Ré ; que, par voie de conséquence, les sieurs Denoyez et Chorques ne sauraient utilement se prévaloir des dispositions illégales du tarif des passages pour en demander le bénéfice ; qu'ils ne sont, dès lors pas, sur ce point, fondés à se plaindre que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs requêtes ;
Sur les autres conclusions de la requête du sieur Denoyez :
Considérant, d'une part, que les conclusions en indemnité et les conclusions tendant au remboursement du trop-perçu que le sieur Denoyez impute à l'application qui lui a été faite des tarifs en vigueur ne sauraient, en conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, être accueillies;
Considérant, d'autre part, que les conclusions tendant à l'annulation des tarifs d'abonnement établis pour l'année 1972 ont été présentées pour la première fois en appel ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;... (Rejet avec dépens).
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