CE, Sect., 23 mai 1958, Consorts Amoudruz ▼
En substance
Contrairement à la plupart des autres services publics, le service public de la police ne peut être délégué purement et simplement à une personne privée.
CE, 23 mai 1958, Consorts Amoudruz
(Rec. p. 301)
Sur les interventions du sieur Tessier :
Considérant que le sieur Tessier a intérêt à ce que les requêtes susvisées ne soient pas admises ; que, dès lors, ses interventions sont recevables ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que, le 5 juillet 1952, les sieurs Jacques et Jean-Pierre Amoudruz ont été victime d'un accident mortel alors qu'ils prenaient un bain, vers 17 h 30, sur la plage d'Houlgate ; que les requérants, se prévalant de ce que les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des baigneurs n'auraient pas été prises, ont demandé au Conseil de préfecture siégeant à Caen de condamner solidairement à réparer les préjudices par eux subis, la commune d'Houlgate et le sieur Tessier, lequel exploitait le service des bains en vertu d'un contrat passé par lui le 9 mai 1951 avec ladite commune ; que les premiers juges ont estimé que les accidents mortels dont s'agit découlaient de faits d'exploitation imputables à l'activité d'un service municipal à caractère commercial et que par suite, la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître des actions en responsabilité formées par les demandeurs ; que ceux-ci défèrent au Conseil d'État les arrêtés rendus par le Conseil de préfecture en tant seulement qu'ils ont rejeté leurs conclusions dirigées contre la commune d'Houlgate ;
Considérant qu'en vertu de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et de les faire cesser par la distribution des soins nécessaires ; qu'il incombe au maire d'une commune présentant le caractère d'une station balnéaire, de prendre des mesures appropriées en vue d'assurer la sécurité des baigneurs sur les plages de la localité ; que la circonstance qu'une telle commune, locataire du domaine public de l'État par l'effet d'un contrat passé avec l'administration des domaines, a confié l'exploitation du service des bains à un particulier et a chargé son cocontractant d'assurer, en ses lieu et place, l'exécution de diverses mesures spécifiées dans la convention en vue de la protection des baigneurs, qu'ils soient ou non usagers du service public des bains, ne saurait s'agissant de l'accomplissement d'une mission afférente à l'exercice de la police municipale, dégager cette collectivité administrative de la responsabilité qu'elle peut encourir directement envers la victime d'un accident ou envers ses ayants cause, du fait de l'existence d'une faute lourde commise dans l'exécution desdites mesures ; que cette responsabilité de la commune ne peut être appréciée que par la juridiction administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les arrêtés attaqués, le Conseil de préfecture s'est déclaré incompétent pour connaître les conclusions de leurs réclamations dirigées contre la commune d'Houlgate et à demander l'annulation sur ce point desdits arrêtés ;
Considérant que l'affaire étant en état, il y a lieu de statuer immédiatement au fond sur les conclusions susmentionnées des demandes introduites devant le Conseil de préfecture ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident mortel dont ont été victimes les sieurs Jacques et Jean-Pierre Amoudruz est dû aux graves imprudences commises par ces deux frères qui, fréquentant la plage d'Houlgate depuis plusieurs années, ne pouvaient pas ignorer le danger que, alors que la marée commençait à peine à monter, eu égard à l'état de la mer ainsi qu'à la violence des courants, il y avait à se baigner à l'heure et à l'endroit où s'est produit l'accident ; que les sieurs Amoudruz n'ont pas tenu compte des indications données par les pancartes apposées sur la plage et par les signaux ; qu'ils n'ont pas déféré aux appels de trompe des maîtres-nageurs ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que, dans les circonstances de l'affaire, la responsabilité de la commune puisse être engagée, même partiellement, envers les requérants soit à raison d'une insuffisance des mesures prévues pour la protection des baigneurs ou leur sauvetage, soit à raison de fautes lourdes commises dans l'exécution desdites mesures lors de l'accident litigieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions des requérants tendant à la condamnation de la commune d'Houlgate à leur payer des indemnités ne sauraient être accueillies ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de laisser ces dépens à la charge des requérants ;
... (Intervention admise ; arrêtés annulés en tant qu'ils ont rejeté comme non recevables les conclusions des demandes de la dame veuve Amoudruz et des époux Amoudruz dirigées contre la commune d'Houlgate ; conclusions devant le Conseil de préfecture et surplus des conclusions des requêtes au Conseil d'État rejetés ; dépens exposés devant le Conseil d'État mis à la charge de la dame veuve Amoudruz et des époux Amoudruz).
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