CE, 12 décembre 2012, Ministre de l’écologie c/ Arditti, 340581 ▼
En substance
L'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne s'attache qu'aux décisions de ces juridictions qui sont définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique, en ce qui concerne, d'une part, les constatations de fait qui en sont le support nécessaire et, d'autre part, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui lui servent de fondement constituent une infraction pénale.
Conseil d'État
N° 340581
ECLI:FR:CESSR:2012:340581.20121212
Inédit au recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
Mme Séverine Larere, rapporteur
Mme Claire Legras, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats
lecture du mercredi 12 décembre 2012
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 14 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; le ministre d'Etat demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07MA03823 du 2 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de M. Hervé A, annulé, d'une part, le jugement n° 0600894 du tribunal administratif de Nice du 28 juin 2007 et, d'autre part, l'arrêté interruptif de travaux pris par le maire de Saint-Raphaël le 13 janvier 2006 ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A ;
1. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. / L'autorité judiciaire peut à tout moment, d'office ou à la demande, soit du maire ou du fonctionnaire compétent, soit du bénéficiaire des travaux, se prononcer sur la mainlevée ou le maintien des mesures prises pour assurer l'interruption des travaux. En tout état de cause, l'arrêté du maire cesse d'avoir effet en cas de décision de non-lieu ou de relaxe " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 janvier 2006, le maire de la commune de Saint-Raphaël (Var) a prescrit à M. A de cesser immédiatement les travaux entrepris sur sa propriété située sur le territoire de la commune, aux motifs que ces travaux n'étaient pas conformes à la déclaration de travaux qu'il avait déposée le 12 juin 2003 et qu'ils méconnaissaient les dispositions du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme de la commune ; que, par un jugement du 28 juin 2007, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par un arrêt du 2 avril 2010, la cour administrative d'appel de Marseille a toutefois annulé ce jugement ainsi que l'arrêté litigieux aux motifs, d'une part, que l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 8 juin 2007 ayant relaxé M. A des poursuites engagées contre lui faisait obstacle à ce que les travaux qu'il avait engagés soient regardés comme non conformes à la déclaration de travaux qu'il avait déposée et comme équivalant à une reconstruction nécessitant un permis de construire et, d'autre part, qu'en l'absence de preuve de l'accomplissement régulier de l'une au moins des formalités nécessaires à la publicité de l'arrêté de délégation de signature consentie le 29 mars 2001 par le maire de Saint-Raphaël à l'adjoint chargé de l'urbanisme, l'arrêté du 13 janvier 2006, signé par ce dernier, devait être regardé comme pris par une autorité incompétente ; que le ministre d'Etat se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; qu'il conteste le bien-fondé des deux motifs d'annulation ainsi retenus par la cour ;
Sur le motif tiré de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 8 juin 2007 :
3. Considérant que l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne s'attache qu'aux décisions de ces juridictions qui sont définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique, en ce qui concerne, d'une part, les constatations de fait qui en sont le support nécessaire et, d'autre part, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui lui servent de fondement constituent une infraction pénale, comme pour l'application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, la qualification juridique donnée à ces faits ; qu'il en résulte qu'en se fondant sur l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 8 juin 2007 ayant relaxé M. A, sans rechercher si ce jugement était devenu définitif, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que ce motif d'annulation doit, par suite, être censuré ;
Sur le motif tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 13 janvier 2006 :
4- Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le maire de Saint-Raphaël a produit un certificat, daté du 2 mars 2006, aux termes duquel "l'arrêté municipal en date du 29 mars 2001 a régulièrement fait l'objet d'un affichage et d'une publication dans le recueil des actes administratifs de la commune ", ce document ne précisait pas la date de l'affichage et de la publication de l'arrêté et n'établissait pas que la délégation de signature consentie par cet arrêté avait été publiée antérieurement à l'arrêté interruptif de travaux du 13 janvier 2006 ; que, par suite, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant, par une appréciation souveraine, qu'en l'absence d'autres pièces, le caractère exécutoire de la délégation de signature n'était pas établi le 13 janvier 2006, date de l'arrêté litigieux, ce dont elle a déduit, sans erreur de droit, que cet arrêté devait être regardé comme ayant été pris par une autorité incompétente ;
5. Considérant que ce seul motif était de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2006 et, par suite, celle du jugement du tribunal administratif de Nice du 28 juin 2007 ; qu'il s'ensuit que le ministre d'Etat n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et à M. Hervé A.
Copie en sera adressée pour information au maire de Saint-Raphaël.
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